Poets and the Algerian War

edited by Francis Combes

translated by Alan Dent

The Algerian War of Independence (1954-62) was one of the bloodiest post-1945 liberation struggles. Characterised by civilian massacres and the widespread use of torture, it led to the death and displacement of two million people. It was also the first major conflict since the Spanish Civil War to mobilize a generation of writers and artists to protest against the conduct of the war, most notably in Franz Fanon’s The Wretched of the Earth and Gillo Pontecorvo’s The Battle of Algiers. In 1960 many of France’s leading writers and intellectuals – including Simon de Beauvoir, Jean-Paul Sartre, André Breton, Pierre Boulez, François Truffaut and Marguerite Duras – signed Le Manifeste des 121, calling on the French government to renounce the use of orture in Algeria. Many writers found themselves on the front-line. The Algerian writer Mouloud Feraoun was assassinated by the OAS in 1962. They tried, unsuccessfully, to kill Madeleine Riffaud, who reported on the war for L’Humanité. There were two attempts on Sartre’s life.

This anthology features some of the French poets who opposed the war, including Louis Aragon, Jacques Gaucheron, Madeleine Riffaud, Pierre Seghers, Henri Deluy and Guillevic, as well as Algerian poets like Jean Sénac, Kateb Yacine, Bachir Hadj Ali, Noureddine Aba, Messaour Boulanouar, Mohammed Dib, Omar El Bernaoui and Mohamed Saleh Baouiya. It also includes a remarkable series of poems written in memory of Maurice Audin, a young university lecturer and member of the Algerian Communist Party who was murdered by the French authorities. These poets are important, not only as historical witnesses to a terrible war. They remind us of the possibilities and of the responsibilities of poetry in our own times. As Francis Combes argues in his introduction to this book, ‘Ils disent que les poètes ne sont pas restés silencieux. Parfois, ils disent même beaucoup plus…’

Sample Poems

J’écris pour que la vie soit respectée par tous

J’écris pour que la vie soit respectée par tous

Je donne ma lumière à ceux que l’ombre étouffe
Ceux qui vaincront la honte et la vermine

J’écris pour l’homme en peine l’homme aveugle
L’homme fermé par la tristesse
L’homme fermé à la splendeur du jour

J’écris pour vous ouvrir à la douceur de vivre

J’écris pour tous ceux qui ont pu sauver
De l’ombre et du commun naufrage
Un coin secret pour leur étoile
Un clair hublot dans les nuages

J’écris pour la lumière qui s’impose
Pour le bonheur qui se révèle
J’écris pour m’accomplir au coeur de mes semblables
Pour que fleurisse en nous le désert froid du mal

J’écris pour que la terre m’appartienne
Chaude tendre et joyeuse

J’écris pour apaiser mon sang
Mon sang violent et dur et lourd de siècles tristes

J’écris pour partager ma joie
Avec ceux qui m’écoutent

J’écris pour être heureux pour être libre
Pour tous les hommes vrais
Qui comprennent mes cris ma peine et mon espoir

J’écris pour éveiller l’azur
Au fond des yeux malades
Au fond des vieux étangs de honte

J’écris pour qu’on défende
Pour qu’on respecte
L’arbre qui monte
Le blé qui pousse
L’herbe au désert
L’espoir des hommes

Messaour Boulanouar

I write so that life can be respected by all

I write so that life can be respected by all

I give my light to those suffocated by shadow
Those who will triumph over shame and vermin

I write for the man in pain the blind man
The man closed in by sadness
The man hidden from the day’s splendour

I write to reveal the sweetness of life to you

I write for all those who have been able to save
From shadow and from the collective shipwreck
A secret corner for their star
A port-hole in the clouds

I write for the light which is indispensable
For the happiness which shows itself
I write to realise myself in the heart of my fellows
So the cold desert of evil within us might come to flower

I write so the earth might belong to me
Warm tender and joyful

I write to quieten my blood
My violent hard and heavy blood of sad centuries

I write to share my joy
With those who listen to me

I write to be happy to be free
For all true men
Who understand my cries my pain and my hope

I write to awaken the azur
In the depths of sick eyes
In the depths of old ponds of hatred

I write so we might defend
So we might respect
The tree which rises
The corn which grows
The grass in the desert
The hope of men

Messaour Boulanouar

Mohamed et Jean

Le ciel se froisse sur Paris, comme un mouchoir;
Le jour quitta les rues, quand un flic a tiré.
Il pleuvait, lentement, place de Stalingrad,
Mais la pluie n’était rien, sous le soleil des cris,
Il pleuvait lentement quand un flic a tiré,
Quand Hocine a pâli, quand Hocine est tombé.

En ce soir de victoire, il nous faut regarder,
Droit dans les yeux, le sang; tout le sang répandu,
Le sang, le sang, le sang ne nous rend pas aveugles,
Car l’homme de demain dépasse l’épouvante;
Et le froid peut entrer, frère, sous la peau brune,
Dans ton coeur victorieux la vie chante toujours:
Le défi à la mort illumine nos hymnes!
Un camarade est mort. Tremblez dogues-ministres
Gardes-chiourme engraissés par la chair que calcine
Le napalm inondant de feu le Viet-Nam libre!
Tremblez robots-bourreaux! Vous qui tintez si bien,
Quand dans vos têtes-tronc, le Yankee met sa pièce.
Le meurtre restera. Poings, souvenirs et larmes.
Nul n’oubliera jamais. Assassins vous paierez,
Vous paierez la pâleur d’Hocine assassiné,
La neige rouge aux lèvres, les yeux retournés,
Les sanglots des enfants… Canailles! vous paierez.
Le caillot de son coeur tâchera votre ciel.
Le poids de son corps froid écrasera vos rêves.

Terre aux cheveux de feu, dépeignés par le crime,
Monde nocturne pris aux rets des parasites,
Que se taisent soudain les radios d’insomnie
Un prolétaire est mort, abattu par les flics!
De Bougie, de Guelma, d’Oran au Sud brûlé,
Sur leurs couches de fric, de kif et de démence,
Les colons, leurs bouffons, leurs valets et leurs sbires,
Enivrés par le vin qu’à la terre ils imposent,
Suffoqués par l’odeur de la sueur sacrifiée,
Retroussent en gloussant, leurs babines de hyènes.
L’empereur du phosphate et le roi de l’alfa
Volent que l’on pense à eux aux Compteurs de Montrouge.

Le même coffre-fort étouffe nos amours,
Mohamed de Sétif et Jean de Saint-Denis.
On tue un Algérien pour mieux vendre la France.
Ce sang qui fait flamber les pavés sous la pluie,
Nourrit aussi les lueurs du néon de Broadway,
Ta peur féroce de la paix, monde incurable,
Soumet au Dieu Dollar, le Moloch colonial.

Les chômeurs que l’espoir de manger expatrie,
Portent, plaie dans leur chair, la chaîne impérialiste.
Ils sont venus trompés, devenus marchandises;
Le cargo cahotait dans l’écume enchaînée,
Et les os, sous leurs yeux, saillaient, comme l’Aurès
Sous la terre épuisée que gratte en vain leur père.
Ils sont venus trompés, un trafiquant d’espoir,
Achetant pour cent francs une poignée de muscles,
Avait fait miroiter à leurs yeux affamés
Un Paris de pain blanc, une chemise blanche…
La Méditerranée – mourante – les traîna
Jusqu’au quais gangrenés de quelque port de pègre.

Soleil sur les rochers, tournant, fouet minéral,
Astre cravaché, chômage, ignorance,
Eclipse du sang, du rire et de l’air –
Ils t’ont fui mais voilà que la neige nocturne
S’empare de leurs coeurs inconnus et troqués.
Les pavés, aux clartés saccagées par la boue,
Alourdissent la nuit des pauvres gens. Mon frère
A la peau de soleil, Ahmed ou toi, Kadour,
Tu lances vainement tes mots tissés de siècles
Ta phrase où le Simoum lève l’aile des verbes.
Grillage des égouts, tôle des pissotières;
Tout te devient prison, partout un commissaire
Te poursuit; et tu n’as qu’un mètre cube d’air
Pour avoir faim la nuit, rêvant à la fontaine
Où ton plus jeune enfant mire ses yeux rongés,
Rongés par le trachôme, Ahmed, ou toi, Kadour,
Dans la chambre d’hôtel vingt hommes nus s’entassent:
Dix manoeuvres le jour, dix manoeuvres la nuit.

Sous le métro qui geint – comète mécanique –
Jetant dans le canal de pâles poignées d’ombres,
Stalingrad – Jean Jaurès respire étrangement.
Hocine assassiné, la police est partie…
Et de longs groupes d’hommes, parlant à voix basse,
Passent, avec d’immenses drapeaux dans les yeux.
Ahmed et Mohamed sont là – et mille et mille,
De leurs frères unis aux meilleurs de la France.
Hocine n’est pas mort d’une balle perdue!
Et Kadour de Sétif, et Jean-Louis de Saint-Denis,
Les affamés, les avilis, les écrasés,
Par la faim, la douleur, l’injustice, l’opium
Relèvent leur grand front où les rides dessinent
Vos visages, patries qu’on a défigurées!
Des lourds limons du Gange aux sables d’Agadir,
Et à Paris ce soir, l’homme fait sortir l’aube
Des banques où l’avaient enfermée les pillards.
La Bourse baisse, et la folie du bourreau monte,
Quand il sent déferler sur ses tempes de pierre
Un milliard de pieds nus qui brisent leurs entraves,
Un milliard d’yeux mûris au soleil stalinien,
D’yeux fixés sur la lutte du printemps chinois
Où pousse un chrysanthème énorme: le bonheur

Alain Guérin

Mohamed and Jean

The sky crumples like a handkerchief over Paris;
Day was leaving the streets, when a cop fired.
It was raining, slowly, on Stalingrad Square,
But the rain was nothing, beneath the sun of cries,
It was raining slowly when a cop fired,
When Hocine went pale, when Hocine fell.

On this evening of victory, we must look
Blood full in the eyes; all the spilled blood,
Blood, blood, blood doesn’t make us blind,
Because tomorrow’s man goes beyond terror;
And cold can enter, brother, under brown skin,
In your victorious heart life still sings:
The defiance of death brightens our hymns!
A comrade is dead. Tremble watchdog ministers
Galley-masters fattened by roasted flesh
Napalm flooding with fire free Vietnam!
Tremble robot executioners! You who sound so nicely
When the Yankee slips his coin into your wooden heads.
Murder will remain. Fists, memories and tears.
No one will ever forget. You will pay, assassins
You will pay for the paleness of the murdered Hocine.
Red snow around his lips, his eyes upturned
The sobbing of children... Dogs! You will pay.
The pebble of his heart will stain your sky.
The weight of his cold body will crush your dreams.

Land with hair aflame, ruffled by crime,
Nighttime world caught in the nets of parasites,
Let the insomniac radios fall silent
A worker is dead, shot down by the cop!
From Bougie, from Guelma, from the burnt south of Oran,
On their beds of money, dope and madness,
The colonels, their clowns, their servants and their timeserving policeman
Intoxicated by the wine they force on the earth,
Suffocated by the odour of the sweat of sacrifice,
Pull back, chuckling, their hyena lips.
The emperor of phosphate and the king of alfalfa
See that people think of them behind the counters in Montrouge

The same safe strangles our love,
Mohamed from Setif and Jean from Saint-Denis.
They kill an Algerian the better to be able to market France.
This blood which makes the paving stones flame beneath the rain,
Also feeds the neon lights of Broadway,
Your ferocious fear of peace, incorrigible world,
Submitted to the Dollar God, the colonial Moloch.

The unemployed exiled by their hope of food,
Carry, as a wound in their flesh, the chain of imperialism.
They arrived deceived, became commodities;
The cargo tossed in the chained foam,
And the bones, under their eyes, stuck out like Atlas
Under the exhausted earth their father scratches in vain.
They arrived deceived, a hope dealer
Buying for a hundred francs a handful of muscles,
Had made their starved eyes reflect
A Paris of white bread, a white shirt…
The Mediterranean – dying – dragged them
To the gangrenous quays of some thieves’ port.

Sun on the rocks, turning, mineral whip,
Star riding crop, unemployment, ignorance,
Eclipse of blood of laughter of air –
They fled from you but see how the nocturnal snow
Takes hold of their unknown and exchanged hearts.
The paving stones, in light disordered by mud
Weigh down the night of the poor. My brother
Skin of sunshine, Ahmed or you, Kadour,
You launch in vain words woven of centuries
Your phrase in which the Simoum raises the wing of the verbs.
Drain grids, sheet metal of urinals;
Everything becomes your prison, an official
Pursues you everywhere, and you have only a cubic metre of air
To be hungry at night, dreaming of the fountain
Where your youngest child’s eaten eyes are mirrored
Eaten by trachoma, Ahmed, or you Kadour,
In the hotel room twenty naked men are piled up:
Ten manoeuvres during the day, ten manoeuvres during the night.

Beneath the groaning metro – mechanical comet –
Casting on the canal pale handfuls of shadows,
Stalingrad – Jean Jaurès is breathing strangely.
Hocine assassinated, the police left…
And long groups of men, speaking in low voices
Go by, immense flags in their eyes.
Ahmed and Mohamed are there – and thousands and thousands
Of their brothers united for the best of France.
Hocine didn’t die from a stray bullet!
And Kadour from Sétif, and Jean-Louis from Saint-Denis,
The starving, the reviled, the crushed,
By hunger, by pain, by injustice, by opium
Raise their great forehead where the lines depict
Your faces, disfigured homelands!
From the heavy lime of the Ganges to the sands of Agadir,
And in Paris this evening, man brings forth the dawn
Of the banks where the pillagers had imprisoned him.
The Stock Exchange falls, and the madness of the executioner rises,
When he feels unfurling on his stone temples
A million bare feet which break their fetters,
A million eyes ripened in the sun,
Eyes fixed on the struggle of the Chinese spring
Where a huge chrysanthemum grows: happiness!

Alain Guérin

On les tue par le feu, l’eau, l’électricité

On les tue par le feu, l’eau, l’électricité
Eux qui vécurent loin des sources
Et rêvant d’eau toute leur vie
Eux qui grelottaient, sans charbon
Au soleil glacé du Mouloud.
Eux qui veillaient sans lumière
Au fond d’un bidonville obscur.

La première fois qu’il vit
De près
Une baignoire
Fut le dernier jour de sa vie.

Madeleine Riffaud

They kill them with fire, water, electricity

They kill them with fire, water, electricity
Those who lived far from springs
Dreaming of water all their life
Those who shivered, without coal
In Mouloud’s frozen sun.
Those who lay awake in the dark
Buried in a gloomy slum.

The first time he saw
A bath
Close up
Was the last day of his life.

Madeleine Riffaud

Le Roman inachevé (extrait)

Ses cheveux sont frisés Il rêve à l’Algérie
Il fait un carton dans un tir du boulevard
Il s’arrête un instant dans une brasserie
A moins qu’il ne se soit assis dans un Milk-Bar
Pour rouler dans ses doigts la rancune du gris

Ou bien c’est la kermesse et sa tête de laine
S’appuie à l’appareil qu’il écoute debout
Il a pour la musique un attrait de phalène
Pour lui cette chanson semble être un rendez-vous
Ce qu’il aime cet air qui dit Plaine ma plaine

Et dans ses yeux mi-clos se lèvent des palmiers
Le petit âne a la couleur de la colline
Ma mère avait les yeux plus noirs que les ramiers
L’eau petitement coule où la tuile l’incline
Mon enfance revient dans ses pas coutumiers

Plaine ma plaine où toute lumière est si vive
Qu’elle brûle son ombre étroite à l’olivier
Et la vie a le goût et le feu de l’olive
Ô fellahs c’est ce paysage où vous viviez
En ces temps sans expédition punitive

Plaine ma plaine où le nuage est un passant
Plaine sans pluie un jour où tomba la colère
Et depuis ce jour-là dans le village absent
Monte l’odeur du chaume et des chairs qui brûlèrent
Et la terre altérée appelle un autre sang

Aragon

from The Unfinished Novel

His hair is curly He dreams of Algeria
He shoots a little target in the boulevard’s gallery
He stops a moment in a brasserie
Unless he’s sitting in a Milk-Bar
To roll between his fingers the bitterness of tobacco

Or it’s the village fete and his woolly head
Leans on the phone he listens to standing up
He’s drawn to music like a moth to a flame
For him this song is like a meeting place
How he loves this tune which says Country my country

And in his half-closed eyes palm trees rise up
The little donkey the same colour as the hill
My mother had eyes as dark as a ring-dove’s
Water runs in rivulets where the tile slopes
My childhood returns to its usual round

Country my country where all light is so bright
It burns the narrow shadow of the olive tree
And life has the taste and the fire of the olive
Oh fellaheen this is the landscape where you lived
In those times without punitive expeditions

Country my country where the cloud is a passer-by
Country without rain where one day anger landed
And since that day in the absent village
Rises the odour of thatch and flesh that burnt
And the altered earth calls for another blood

Aragon

Pour la paix

Les rues pleurèrent leur misère
C’était un soir comme autrefois
Nous aurions voulu le bonheur
On nous déguisa en soldat
C’était si peu de nous donner
La paix dans les bouquets de fleurs
Dans les yeux dans les fremmes sereines
Ils nous offrirent des décombres
Et la mort à pleines brassées
Nos tout puissants ministres de la peur
Nos anciens guerriers nostalgiques
Désiraient que nous devinissions
Des tueurs et des tortionnaires
Contre les peuples opprimés
Qui désiraient leur liberté
Nous ne sommes pas des guerriers
Et pour l’amitié des chevaux
Le sourire des enfants pâles
Dans leurs écoles de plein vent
Pour les larmes des femmes mères
Pour le pain et le soleil
Pour que les rues puissant renaître
Derrière leurs façades noires
Nous risquons de vouloir la paix
Contre la loi des assassins
L’amour est traqué sur la Terre
Pourtant ton corps vaut bien qu’on vive
Et je chemine vers ma gloire
Dans le secret de tes genoux.

Maurice Cury

For Peace

The streets cry their misery
It was an evening like in the old days
We would have liked to be happy
They disguised us as soldiers
It didn’t come to much to give us
Peace in bouquets of flowers
In the eyes of serene women
They offered us debris
And armfuls of death
Our all-powerful ministers of fear
Our nostalgic ex-warriors
Wanted us to become
Killers and torturers
Against oppressed people
Who wanted their freedom
We aren’t warriors
And for the friendship of horses
The smile of pale children
In their open-air schools
For the tears of mothers
For bread and sunshine
So that the streets could be reborn
Behind their black facades
We risk wanting peace
Against the law of the assassins
Love is stalked across the earth
All the same your body makes life worth living
And I make my way towards my glory
In the secret of your knees.

Maurice Cury

Cette terre est sa terre

Le paysage ici soulève à bout de bras
Jusqu’aux confins du ciel
Des montagnes de roc des rochers de soleil

Assise là tout près silencieuse
Leïla d’aube en aube obstinément trieuse
De graines
Leïla veille écoutant couler
Contre son coeur le sablier de la souffrance

Le sombre des buissons là-bas frissonne
Quelque chose a bougé une forme s’avance
Il vient de loin et c’est un homme
N’en doutez pas

Il vient comme un berger du fond des âges
Il fait un pas
et puis un pas
Après un autre comme s’il dénouait
Maille après maille quelque chaîne
Sur cette terre
Et c’est sa terre
C’est la sienne

Quand il aura passé ce terrain de pierraille
Quand il sera devant
Qu’on le verra soudain plus grand
Que les montagnes dont il descend
Quand il aura souri dans les yeux clairs de Leïla
Il sourira elle sourira
N’en doutez pas

Alors il n’y aura plus d’ombre en Algérie
Que celle du soleil et c’est une ombre amie

Sa terre le fait naître
Son pas le fait grandir

Déjà et pour toujours
Il marche sur sa terre

Déjà
N’en doutez pas.

Jacques Gaucheron

This Earth is Her Earth

The landscape here rises at arm’s length
To the sky’s limits
Mountains of rock rocks of sun

Sitting here close by silent
Leïla from dawn to dawn obstinate sifter
Of grain
Leïla watches listening to the flow
Against her heart of the egg-timer of suffering

Over there the shadows of the bushes shiver
Something has moved a form comes forward
It comes from far away and it’s a man
Have no doubt

He comes like a shepherd from the depth of the ages
He takes a step
and then one step
After another as if he were unpicking
Link by link some chain
On this earth
And it’s her earth
It’s hers

When he’s passed over this stony terrain
When he’s before her
When he will suddenly look bigger
Than the mountains he came down from
When he smiles into the Leïla’s clear eyes
He will smile she will smile
Have no doubt

Then there will be no more shadows in Algeria
Other than the sun’s and that’s a friendly shadow

Her earth gives birth to him
Her step makes him grow

Already and for always
He walks on the earth

Already
Have no doubt

Jacques Gaucheron